lundi 16 novembre 2015

Tour d'Islande...12 - Opération Pose de Conn*rd

Reykir - Saudarkrokur

Samedi 8 Août 



Cinq.

Ce matin, alors que j’émerge doucement, ce chiffre va occuper mon esprit. Il me reste 5 jours de voyage sur les terres Islandaises. 
Déjà neuf jours que je suis ici, seulement neuf jours que je suis ici. Neuf jours passés à une vitesse folle, et j’ai l’impression qu’à peine arrivée, je vais devoir repartir. 

Je vais donc entamer le dernier tiers de mon voyage. Après un premier tiers marqué par les joies de la découverte de ces terres sauvages ainsi que par des aventures que j’espérais au fond de moi mais auxquelles je n’osais pas penser - de peur d’avoir envie de faire demi-tour direct, peureux que je suis -, un second tiers marqué par les pannes mécaniques ainsi que par cette gigantesque et magnifique balade dans les Fjords du Nord-Ouest, je me demande alors ce que va me réserver cette fin de voyage.

Mais il serait déjà pas mal de s’interroger sur ce que va me réserver la journée, car au moment où je vais monter sur mon tracteur, je n’ai encore rien de prévu !

Cette journée va donc être placée sous le signe de l’arrache totale.

Hum, on me dit dans mon oreille bionique que ça, c’est à peu prés comme d’habitude. Certes, ce n’est pas faux, sauf que là, c’est « plus ».

Me voici reparti, direction une station essence pour nourrir le bestiau et avoir un peu de connexion.

Sur le chemin, pour ne pas changer, des paysages moches.



C’est à ce moment que le destin va décider du programme des prochaines heures. 

Alors que je fume ma clope sur un parking, un couple de français va m’accoster. Ils vadrouillent en boîte à roues mais Monsieur rêve de revenir l’année prochaine pour rouler sur la F36, voie de circulation qui traverse l’Islande du Nord au Sud, composée de gravel-roads roulantes mais aussi de portions plus exigeantes. Quand je dis "exigeantes", il faut comprendre "complètement pourries".

Il suffira donc d’une simple petite rencontre pour fixer mon programme : rejoindre la F36, aller taper une pose de conn*rd en plein centre de l’Islande, et revenir afin de continuer ma boucle. Soit un aller-retour de 250 à 300 kilomètres.

Moi, sur le coup, j’ai trouvé que c’était quand même une idée à la con. Et donc fatalement, je l’ai fait !

J'étais fier de moi!

Ce jour là il n’y aura (presque) pas de photos. Je vais tracer !

Et comme pour une fois ma caméra est en état de marche – c’est-à-dire pas égarée dans les cailloux d'un chemin, correctement placée, chargée, avec une carte SD vide – c’est elle qui fera le boulot…

Et je vais donc tracer dans des paysages d'abord assez verdoyants, qui deviendront de plus en plus secs et déserts. Il n'y aura bientôt plus rien, ni personne, à part quelques moutons. Le compteur calé à parfois à plus de 100km/h, c’est un intense sentiment de liberté qui va m'envahir. Me voilà donc en train de faire n’importe quoi, chevauchant ma moto à vive allure en direction du centre de l’Islande pour faire une photo. Une seule photo.

Ou presque.

Je vais juste faire deux petits arrêts. Un pour faire une pose de conn*rd à mi-parcours...

Autant vous dire que j'ai failli me casser la gueule trois fois avant de réussir à avoir de réussir à me la jouer aventurier intrépide, impassible et déterminé...

Bref...

L’autre pause fut parce que j’ai l’esprit mal placé.

Y a que moi, ou?

Si au début de ce raid parfaitement inutile, et donc totalement indispensable, les gravel-roads furent bien roulantes, cela finira par changer. Et plus je vais m’enfoncer dans les terres, plus le tracteur va en prendre pleins les suspensions, et plus je vais avoir un immense sourire sous le casque - mon côté maso, tout ça, tout ça.

Un sourire sous le casque, et de la musique dans ma tête…car, oui, en plus de nombreuses voix, j'ai aussi de la musique dans ma tête. Souvent.

Ce jour là ce fut un vieux morceau d’Iron Maiden, un truc super kitsch où le refrain consiste à s’égosiller en beuglant « freedom ». 

Un truc dans le genre...

Et cette chanson, que j'écoutais quand j'étais ado' peu de temps avant que mon audition commence à se faire la malle, ne me quittera pas de la journée.

Je file, je file, faisant peur aux moutons, saluant les quelques cyclistes croisés, esquivant les flaques de boue, les pierres et les rochers.

Quant enfin je vais arriver à un croisement, après presque 130km de pistes avalées en une bouchée pleine de gourmandise…

"C’est là ".

"C’est là que je vais la faire cette photo", me dis-je alors comme une évidence.

Un croisement, un beau symbole pour moi, dont la vie à totalement changée de direction ces dernières années, et même ces derniers mois. Et non seulement j'ai changé de direction, non seulement je ne vais plus droit dans le mur, mais surtout j'ai à nouveau toutes les armes pour choisir mon chemin. 

Et oui...

Cinq minutes et quelques numéros d’équilibriste plus tard, elle sera dans la boîte. La plus grande pose de connard jamais réalisée à ce jour par votre serviteur. Ou en tout cas, la plus symbolique !

La petite pluie m’accompagnant alors depuis quelques temps s’intensifiant, je ne m'attarderai pas. Je vais vous faire un aveux, le rythme du retour ne sera pas raisonnable…pas du tout. 

Une façon de résumer les choses... (Illustration: Joe Bar Team)

Mais bordel, qu’est ce que c’était bon ! Cette roue arrière qui chasse, la poussière et les graviers qui volent, je me fais mon petit rallye routier à moi, je me sens bien, je me sens libre. Certes, si il arrive un truc je n'ai aucune marge de manœuvre, mais parfois il faut savoir vivre! Et ça reste toujours moins dangereux que de se farcir la rocade bordelaise aux heures de pointes en plein hiver.

Je dois aussi avouer une autre chose: je suis fier de ma connerie du jour. Alors oui, je suis toujours fier de ma connerie, j'ai érigé ça en art de vivre. Mais là, particulièrement...Et donc, une fois revenu vers la civilisation, une envie pressente va m'envahir:  je veux vite voir ces vidéos, je veux partager ce moment. 

"Mais je suis censé camper pour économiser un peu...ah oui...mais il pleut un peu là....pfiouuuu....pas cool....ho puis merde!", voilà ce que me disent les autres dans ma tête.

Et après quelques détours et recherches, me voici dans la chambre d'une petite maison d'hôtes. Et je vais finalement y camper, dans ma chambre, faisant ma popote à même le sol alors qu'il y a une cuisine à disponibilité juste à côté. Je ne vais pas me doucher non plus d'ailleurs...en même temps, à ce stade de la compétition il me semble que cela fait trois jours que je ne me suis pas douché, donc je ne suis plus à ça prés.

Plongeons dans Windows Movie Maker...la vidéo et moi, ça fait douze, j'avance lentement...J'essaie de caler comme je peux cette musique que j'avais dans la tête sur les quelques bouts de vidéos que j'ai choisi à la va vite. J'insère quelques textes.

Il est maintenant 1h15 du matin.

Après m'être enfermé dehors accidentellement alors que j'étais allé pallier à un manque de nicotine tout en oubliant mes clefs, ceci m'obligeant à réveiller la moitié de la maison - boulet! -, me revoici à presque 2h du matin dans ma chambre, la vidéo en train de charger sur Youtube, prête à être partagé sur FaceBook. Ce que je ferai alors...

Et maintenant que j'écris ces quelques lignes, je la revois donc. Avec du recul, quasiment pour la première fois que je suis rentré. Objectivement, elle est pourrie cette vidéo, elle est plus qu'à l'arrache, puis la musique...c'est pas très "hype" tout ça. J'ai même pensé à la refaire...

Et puis en fait, non.

Car cette vidéo, avec ses défauts, son texte et ses fautes de frappes, sa musique d'un autre âge mais qui signifie tant pour moi, son montage de débutant, sa fin interminable et inutile, elle n'est pas qu'une compilation de trois paysages et quatre souvenirs de voyage. 

Elle fait parti intégrante de ce que fut ce voyage, elle fait partie de l'histoire que j'ai vécu là-bas. 

FREEDOM!



                       




lundi 9 novembre 2015

Tour d'Islande...11 - Escape from the North


Thingeyri - Reykir

Vendredi 7 Août 



Aujourd'hui, j'attaque ma dernière journée dans fjords du Nord-Ouest...et je vais l'avouer, même si je sais que je vais bien rouler et passer une belle journée dans ces paysages d'où émane une ambiance vraiment particulière, j'ai maintenant hâte de retourner dans les terres. Tout d'abord parce que cela fait trois jours que je traîne dans ce coin et que je commence à avoir envie de voir autre chose, mais aussi parce que j'ai envie retrouver des rivières, des vraies pistes bien dégueulasses - oui, j'aime quand c'est sale - et de retrouver un peu de défi.

Si j'avais su ce qui allait m'attendre trois ou quatre jours plus tard, je n'aurais pas été si pressé.

Oups.

Mais ça, j'y reviendrai en temps voulu.


Au fur et à mesure des jours, le repliage de la tente se fait de plus en plus rapide, et de plus en plus à l'arrache, il faut bien le dire. Tant mieux, car au fur et à mesure des jours, il devient de plus en plus difficile de se lever aux aurores! La fatigue se fait un peu sentir...Mais comme chaque matin, elle disparaîtra une fois le cul posé sur mon tracteur!




Il faut dire que chaque kilomètre parcouru me rappelle la chance énorme que j'ai d'être là...

Bordel, c'est moche...ou pas.

Rapidement, il va être l'heure du premier arrêt de la journée, dans la petite ville du coin.

Opération Ravitaillement!
Je n'en ai pas parlé jusqu'alors mais dans un voyage, il y a des moments dont on se passerait bien. Et, clairement, partir à la recherche des magasins low-cost du coin en fait bien parti, de ces moments! 
Il faut savoir que le prix de la vie en Islande est très élevé, voir carrément démentiel parfois - surtout pour un buveur de bière...il est donc essentiel de faire un maximum de courses dans des magasins équivalents au LIDL que nous connaissons en France, sous peine de totalement exploser le budget.

Une fois cette véritable corvée achevée, et après un petit déjeuné avalé aux abords d'une station à essence, je vais quitter ce semblant de civilisation et repartir "pour de vrai".









Comme la veille, cette journée sera assez normale...une journée rythmées par les kilomètres qui défilent et les paysages grandioses. Une belle journée de voyage, ni plus, ni moins! Et c'est déjà plus que bien!










Il y aura tout de même un élément perturbateur...le froid! Ça pèle! Grave. Je vais donc accumuler une ou deux couches supplémentaires sous mon blouson. En revanche, mon tour de cou, lui, est plus que limite..alors, tel McGyver, je vais faire preuve d'une grande ingéniosité.

Ou peut-être pas tant que ça.

Me voici donc avec mon gilet fluo autour du cou...la classe.

Ainsi paré pour la fashion-week, je vais continuer à bouffer du kilomètre! Le nez au vent, les doigts congelés -malgré mes moufles !








Kilomètres pendant lesquels je vais me rendre définitivement compte que l'Islandais aime bien faire des tas.

Ici un petit tas de bois.
Bien que sur la photo ci-dessus, on peut aussi suspecter la présence des fameux castors zombies dont je vous avais parlé dans un article précédent.


Kro meugnon!

Note: Le premier qui me rappelle que dans cet article en question j'avais fait une faute de traduction en parlant de marmottes zombies, et non de castors, aura le droit de visiter ma cave puis mon congélateur.

Bref...Si l'islandais aime peut-être faire des tas de bois, il aime surtout faire des tas de pierres.


Y en a partout.

D'ailleurs les plus assidus d'entre vous auront peut-être déjà remarqué ce genre de monticules sur de nombreuses photos auparavant.

Alors une fois n'est pas coutume, faisons une pause culturel!

En partenariat avec le Pr. Rollin.

Vivre sur une île n'est pas très bon pour la santé mentale, c'est bien connu. En conséquence, un certain nombre d'Islandais croient aux Elfes, aux Trolls et aux Lutins, rien que ça. Nos amis vikings regroupent donc tout ce petit monde sous le terme Huldufólk, ou en bon français bien de chez nous, "le peuple caché". Et ces petits tas de pierres seraient en fait les maisons de ce peuple "espiègle et bienfaisant", dixit un guide touristique.

Je ne sais pas ce qu'ils prennent en Islande, mais ça à l'air puissant.




Mais sûrement pas aussi puissant que ce que s'envoie Christine Boutin...le débat est ouvert.

Passons...

Après ce moment de culturation intense, il est temps de débrancher à nouveau le cerveau et de repartir.

Il fait toujours franchement froid...


Et c'est toujours...



...franchement beau.





Je vais rouler, rouler, et me paumer, aussi (voir carte), comme d'habitude, ou presque. Suite à une erreur de direction je vais être bon pour un aller-retour de plusieurs dizaines de kilomètres. Un bon prétexte pour visser la poignée de gaz, et faire un peu le connard. Mais une fois ce petit interlude passé, de la bruine va commencer à tomber, et la route va doucement se recouvrir d'une fine pellicule de boue...il sera temps alors de calmer un peu le jeu.






Et puis, contre toute attente, je vais prendre un peu d'altitude...une véritable route de col s'offre à moi!

Youhou!

Ceux qui ont suivi mon Tour des Alpes le savent...j'aime négocier des routes de col tortueuses dans le brouillard, le vent et sous la pluie. J'ai donc repris les bonnes habitudes...en remplaçant cette fois le bitume par du gravier et de la terre.

Bordel, c'est le pied.

Moi, j'ai donc adoré...par contre, apparemment, il y en a d'autre, c'est pas leur truc!
Ouch.

La descente se fera par une route bien pourrie...
De quoi finir idéalement la journée!

Après ce petit interlude délicatement épicé, la journée va se finir dans quelques paysages verdoyants...











Un dernier arrêt pour enfin photographier une des nombreuses petites églises que l'on croise sur les routes...



Puis il sera temps de planter sa tente, et de savourer un petit cadeau que je me suis fais ce soir là...
De la bière viking! De la vraie!
Un petit plaisir fort déraisonnable, puisque avec ces deux petites bouteilles, il y en a presque pour dix euros de bière! Quand je vous disais que la vie pouvait être cher en Islande!
Musique dans les oreilles, bière à la main, Fjords devant mes yeux, je vais faire le point sur ces trois jours dans le Nord-Ouest Islandais. Des étapes dont je n'aurais même pas osé rêver quelques jours auparavant, mais des étapes, aussi, qui m'ont montré que ma philosophie et mon approche du voyage sont en train de changer: je commence à avoir besoin de "plus".
Oui, plus. Plus que de merveilleux paysages, plus que simplement rouler. J'ai envie de ressentir à nouveau cette petite dose d'adrénaline que j'ai pu goûter quand je me suis retrouvé face à mes premières rivières, quand je me suis retrouvé enlisé, quand j'ai campé au milieu de nulle part, quand j'ai roulé sur une autre planète, quand j'ai fais plus de deux cents bornes avec une fourche explosée et des freins à l'agonie.

Au moment où j'écris ces lignes, mes journées dans les Fjords sont un formidable souvenir, l'ambiance de calme et de sérénité dégagée par ces paysages restent ancré en moi, d'autant plus que la fin du voyage elle, fut à l'opposée, au niveau calme et sérénité! Mais ce soir là, je ne le savais pas encore...

Ce que je ne savais pas encore également, c'est que le lendemain, j'allai avoir droit à une nouvelle dose de n'importe quoi grâce à une vraie belle idée à la con, une opération débile et inutile donc parfaitement indispensable:

L'opération Pose De Connard!


A suivre...




PS:

Nous sommes déjà en Novembre et vous avez pu sans doute remarquer que le blog n'avance pas bien vite, en tout cas pas aussi vite que je l'aurais souhaité. 


Je voudrais juste préciser, tout particulièrement à ceux qui m'ont soutenu, matériellement ou non, particuliers comme professionnels, que ce n'est pas une question de flemme, ou de quoique ce soit qui pourrait faire croire que j'ai oublié ce que vous avez fait pour moi.



Le fait est que, professionnellement, j'ai eu des semaines extrêmement chargées dès mon retour d'Islande. Déplacements incessants, journées à rallonge, week-end amputés voir inexistants et, fatalement, le blog a été dur à gérer - et il n'y a pas eu que le blog d'ailleurs. Mais cela devrait aller mieux maintenant et j'espère pouvoir reprendre un rythme de publication plus élevé. Même si je tiens aussi à prendre un peu mon temps pour faire des articles qui tiennent à peu prés la route, si j'ose dire.



En espérant que tout ceci ne nuise pas trop à l’intérêt que vous portez pour ce blog, je tiens une nouvelle fois à tous vous remercier pour votre soutien!



V