mercredi 19 octobre 2016

Bardenas...3 - Retour au bercail

Saloperies de neurotransmetteurs...Saloperies de petites molécules qui parfois nous font péter un câble plus que de raison. Voilà ce que me dis mon moi biologiste en me réveillant ce matin dans ma chambre d'hôtel.

Oui, j'ai paumé mon téléphone, oui ça va me coûter un pied - ça fait longtemps que je n'ai plus ni bras, ni rein à vendre. Et oui, cela restreint largement mes possibilités. En effet, il est hors de question pour moi de prendre le risque de me retrouver à terre dans un petit chemin perdu, sous 45° à l'ombre, sans moyen de contacter qui que ce soit. 
Cela peut paraître contre-intuitif, mais de ce côté là, l'Islande - où j'avais déjà perdu mon mes téléphones pour ceux qui n'ont pas suivi - était bien moins "dangereuse". Des températures raisonnables, de l'eau potable partout ou presque grâce aux glaciers, et des chemins qui même s'ils paraissaient mener vers le bout du monde restaient bel et bien des voies de circulation officielles.

Bref, la perte de mon téléphone me contraint de revoir mes plans, de ne pas aller n'importe où, n'importe comment, librement, sans stress, sans contraintes. En gros, d'abandonner l'idée que je me faisais de cette petite balade en Espagne qui n'était déjà à la base qu'un petit palliatif au fait que cette année, un vrai voyage était impossible.

L'échec.

Mais était-il besoin de criser, de stresser, de finalement me coucher à 3 heures du matin en rageant contre moi-même et en me lamentant parce que je suis décidément un gros boulet et que ça me gonfle - parfois ?

Non, définitivement pas. Et la nuit portant conseil, me voilà bien décidé à profiter de cette dernière journée en terre d'Espagne. Des chemins il n'y en aura pas (ou très peu), mais les Pyrénées sont là, un roadbook de douze heures m'attend, et finalement, pour moi qui n'ai pas roulé pendant plusieurs mois, c'est malgré tout un vrai bonheur !

Je remballe donc mes affaires, réactive le mode Bisounours content qui fait des arcs-en-ciel avec son ventre, pose mon fessier mou sur mon tracteur, et décolle en direction des Pyrénées.

Rapidement, je me retrouve à nouveau en périphérie du désert des Bardenas...


Je m'autorise quelques kilomètres dans ce cadre sécurisant, ces pistes faciles. Je suis loin des petits sentiers défoncés que j'aurais voulu faire mais le plaisir est là, et c'est le plus important. 

Il est temps ensuite de rejoindre les petites routes...


Petites routes traversant de charmants villages assez typiques, que je n'avais pas pu photographier à l'aller pour cause d'attaques de zombies plus ou moins consanguins (Bardenas...1 - On the road again !).


Si les pistes accidentées ne sont pas au programme aujourd'hui, mon gros tracteur sait aussi faire parler la poudre sur les petites routes pourries que j'affectionne tant depuis que j'avais emmené ma Versys faire le tour de France - voir les archives du blog et notamment Tour de France...Bilan, conclusion et perspectives.

Note : si vous allez navigué dans ces archives sachez qu'à l'époque de ces premiers articles, je venais tout juste d'apprendre à écrire, vous me pardon nez ré donk les photes aurtograffe, la rédaction minimaliste ainsi que les photos qui parfois piquent les yeux.




Les kilomètres s'enchaînent, les heures passent, les paysages défilent...





Et vont alors apparaître les Pyrénées...









Mais je n'y suis pas encore, mon pote Tom - mon GPS, pour ceux qui débarquent - prenant un malin plaisir à m'envoyer sur les routes les plus improbables, pour mon plus grand bonheur.






Puis il sera temps de passer sur de pures routes à connards, tendance Moto GP : des billards avec de grandes courbes, de très grands courbes, sans circulation. Mais, car il faut bien qu'il y ai parfois un "mais", c'est au final dans ces circonstances que l'Africa Twin montre quelques limites avec un léger flottement du train avant quand la vitesse devient un peu déraisonnable. Il faut dire que les pneus à crampons n'aident pas.

De toute façon, plus que les limites en arsouille de mon tromblon sur ce genre de route, c'est surtout la conception de la moto telle que je l'ai aujourd'hui qui va m'inciter à couper les gazs. Pourquoi ? Parce que même à des vitesses que je n'avouerais pas ici, et bien je me fais...oui, je vais le dire...

Un peu chié. 

Sacrilège ! Mais c'est trop propre, trop lisse, trop gentil, il y a trop de visibilité...Non, décidemment, je vais laisser ce genre de route aux Marc Marquez et autres Valentino Rossi du dimanche pour céder à l'appel de la poussière.
Et me voilà alors embarqué dans des petits chemins vallonnés, avec des trous, des bosses, des cailloux, de l'herbe. En résumé, des chemins avec de la vie - même s'il n'y a pas de gras.

Tout à fait.
Je commence à me sentir vraiment bien dans ce type d'environnement. Le plaisir de conduite est alors bien différent des petites routes de montagne tellement sinueuses que l'on se croirait dans un parc d'attraction, mais il est finalement du même niveau...Il faut dire que mon manque totale de maîtrise fait aussi grimper l'adrénaline, ce qui n'est pas pour me déplaire !

Quelques kilomètres plus loin, un coin d'ombre va me permettre de prendre une pause bienvenue...






Je vais cependant rester raisonnable - décidément cela devient une mauvaise habitude - et reprendre ma marche en avant sur des routes et des "routes"...

Voici une route.


Voici une "route".

En fin d'après-midi, je me lance à l'attaque de petits cols pyrénéens...






Cols dans lesquelles un photographe me prendra en pleine action...

On y croit tous, non ? (photo google)

J'aurais pu bifurquer vers le col, magnifique, de la Pierre Saint-Martin...sauf qu'en tant que digne fruit du chêne - c'est à dire un gland, je n'ai pas trop fait attention à mon essence. Et me voilà sur la réserve, avec Tom qui m'indique la prochaine station de ravitaillement dans 53 km.

Hum...ça va être juste.

J'oublie donc le col de la Pierre Saint-Martin et je m'engage en roue libre dans la descente du grand col qui me sépare de la civilisation. 

Le nez au vent, dans un calme onirique - je sais pas si cela veut dire quelque chose mais on s'en fout, sans vibrations, sans un quelconque bruit de vent - que j'entends parfois un peu même sans mes oreilles bioniques branchées, j'admire le paysage dans un silence et un calme absolu.

Tout ça pour dire que c'était cool, en gros.

Bref...

Je vais finalement trouver une pompe à essence plus vite que prévu - quel farceur ce Tom, et après en avoir foutu partout puisque je suis tombé sur la seule pompe du monde sans sécurité anti-reflux, je repars à l'assaut des cols Pyrénéens.










Le soleil se couche maintenant doucement, et le seul commentaire que j'ai envie d'ajouter c'est que, c'est pour ces moments là que j'aime tant le voyage à moto. Ces paysages, ces lumières, la liberté, ne pas savoir où l'on est, aller où l'on veut, s'arrêter loin de tout, admirer le soleil qui se couche derrière les montagnes puis repartir vers un autre lieu, une autre vie.

...


...



Mais grave.

Nous disions donc, admirer le soleil qui se couche doucement sur les Pyrénées...


















Le soleil a disparu, la batterie de mon appareil photo est épuisée, il est temps de filer vers Bayonne où je vais rejoindre mon pote Sky pour avaler une petite bière et se faire des papouilles, avant de filer rejoindre ma maison où j'arriverai à plus de minuit. Autant vous avouer que je vais profiter de ce trajet pour commencer à voir ce que mon nouveau tracteur à vraiment dans le ventre. A rythme soutenu mais contrôlé, toutes aides électroniques désactivées, je saute de virage en virage sur les fabuleuses routes du pays Basque, enchaînant freinages de trappeurs et relances vigoureuses sous un vif clair de Lune.

Une petite session de conn*rd qui va finir de confirmer ce que je me dis depuis trois jours : l'Africa Twin est faite pour moi - et j'y reviendrais en détail dans un article d'essai. Pendant mes premiers milliers de kilomètres à son guidon, j'ai eu un doute. Je regardais alors ma Versys avec une certaine nostalgie, voir une certaine envie, car il manquait alors un "truc" à ma grosse Honda. Pourtant, elle a tout, du confort au moteur, en passant par ses capacités hors route que j'ai vite pu apprécier.

Non, en fait, j'ai découvert avec ce petit raid ibérique que ce qui lui manque en fait, c'est une histoire. Une histoire que j'ai donc commencé à écrire, et qui j'espère comportera de nombreux autres chapitres. Afin de donner une âme à cet amas de métal et de plastique pour que je puisse, lui aussi, le regarder avec le sourire aux lèvres, repensant aux épreuves traversées et aux joies ressenties. Afin d'en faire un autre symbole du bonheur que me procure le voyage . 

Le prochain chapitre de cette histoire s'écrira sur les pistes de l'Ardèche dans quelques semaines. Et puis, si ma grosse sauterelle survie à ce qui s'annonce être un week-end de grand n'importe quoi, plus tard, dans quelques mois ou dans un an, j'espère aller écrire sur les pistes...

Du Maroc.